Le monde de la mine dans la Loire

La chute du monopole et la bataille du charbon

La première partie est à lire ici.

L’empereur Napoléon III a donc cassé le monopole. La Compagnie des mines de la Loire, créée en 1846 et qui rassemble toutes les exploitations du bassin à l’exception de la concession de Roche-la-Molière et Firminy n’existe plus. La situation de monopole était néfaste pour l’économie locale et la bonne santé des sous-traitants et des clients.

Quatre concessions (en plus de celle de Roche-la-Molière et Firminy qui perdure) se partagent le bassin houiller de la Loire à partir de 1854 : les Mines de Rive-de-Gier à l’est, les Houillères de Montrambert et de la Béraudière dans l’Ondaine, et enfin la Société anonyme des mines de la Loire et les Houillères de Saint-Étienne dans la préfecture du département. Cette situation va durer presque un siècle, jusqu’à la nationalisation de 1946.

Des innovations techniques

La coexistence de cinq entreprises importantes permet de créer une concurrence émulatrice avec les moyens d’investir. Le tout conjugué avec la présence de l’École des mines de Saint-Étienne créée en 1818 permet d’avoir des ingénieurs qui inventent procédés et innovations. Le territoire de Montrambert et de la Béraudière souffre d’un sous-sol difficile : les incendies sont fréquents et les anciens travaux gênent l’extraction de nouvelles couches.

On développe donc l’exploitation par remblais : les ouvriers redescendent sous terre des débris remontés avec le charbon pour boucher les vides laissés par le charbon excavé.

De même, les ingénieurs imaginent des puits jumeaux au puits du Marais en 1869 sur la commune du Chambon-Feugerolles. L’extraction est localisée juste à l’aplomb de deux failles différentes et les deux peuvent être travaillées par le biais des mêmes installations : une conduite pour chacun des deux chantiers.

De manière générale, les capacités d’investissement permettent, notamment sur l’ouest du bassin dans la vallée de l’Ondaine, d’atteindre les gisements jusque-là trop éloignés.

À la Chazotte du côté de La Talaudière, Maximilien Evrard met au point en 1858 un procédé de fabrication de briquettes d’agglomérées à destination du chemin de fer. La compagnie PLM les utilise rapidement.

La conjoncture économique pousse aussi à se réinventer. Le bassin connait une grave crise métallurgique dans les années 1880.

En effet, une nouvelle méthode de fabrication de l’acier, le procédé Thomas Gilchrist, permet d’exploiter les minerais phosphoreux des régions de l’est : on fabrique de l’acier de bonne qualité et moins cher !

Les forges et usines métallurgiques locales se retrouvent en crise, certaines disparaissent comme les Forges et fonderies de Terrenoire, pourtant une entreprise de dimension nationale. C’est autant de débouchés en moins pour les sociétés minières. En attendant que les métallurgistes s’adaptent à la nouvelle situation, certaines houillères se tournent vers la production de gaz à partir du charbon.

La fusillade du Brûlé

Les grèves jalonnent l’histoire minière. Elles sont cependant sporadiques et ne concernent rarement tout le bassin en même temps, à l’image du mouvement d’octobre et novembre 1948 qui touche l'Ondaine et Saint-Étienne de manière très violente. Les revendications concernent généralement les salaires et leur uniformisation à l’échelle de toutes les compagnies, les conditions de travail et aussi le temps de travail.

Le repas des grévistes au puits Chatelus le 15 octobre 1948

Le repas des grévistes au puits Chatelus le 15 octobre 1948

En effet, au XIXe siècle, les compagnies le calculent comme le temps au chantier tandis que syndicats comme grévistes estiment qu’il faut compter l’ensemble du temps passé à la mine : descente, accrochage, chantier, repas…

Plusieurs milliers de personnes ont défilé le 25 octobre 1948 dans les rues de Firminy à l'occasion des obsèques d'Antonin Barbier, abattu par la police lors des grèves.

Plusieurs milliers de personnes ont défilé le 25 octobre 1948 dans les rues de Firminy à l'occasion des obsèques d'Antonin Barbier, abattu par la police lors des grèves.

Si certains préconisent les actions brutales, un autre courant existe sous l’influence de Michel Rondet qui préfère les revendications plus pacifistes. L’outil de production (les machines et installations) est presque toujours préservé afin de ne pas obérer l’avenir et des sociétés et des ouvriers.

L’événement le plus emblématique des mouvements sociaux dans le bassin stéphanois reste la fusillade du Brûlé en 1869. Cette année-là, une grève enflamme l’ensemble des concessions, probablement attisée par des éléments extérieurs. Des mineurs occupent les puits et la troupe les déloge en procédant à une quarantaine d’arrestations dans la vallée de l’Ondaine.

Les soldats veulent ensuite conduire les prisonniers à la prison de Bellevue à Saint-Étienne mais en évitant le bourg de La Ricamarie. La traversée pourrait être houleuse. Hélas, des grévistes attendent le convoi au lieu-dit du Brûlé, à l’ouest de la commune. Des heurts surviennent puis un coup de feu, des coups de feu. 14 morts sont relevés dont des femmes et des enfants. Cet épisode dramatique marque durablement la mémoire ouvrière stéphanoise et un monument commémore aujourd’hui le drame sur les lieux de la fusillade.

Le rebond
de la Première Guerre mondiale

Dès les premiers mois de guerre, les installations industrielles du nord de la France sont occupées par l’armée allemande. De fait, Saint-Étienne devient le principal bassin minier du pays, une zone vitale pour l’économie nationale. La production devient subventionnée par l’État : certains gisements peu rentables et abandonnés sont à nouveau exploités. On revoit ainsi des fendues sur l’ouest du bassin, du côté de Montrambert et de Roche-la-Molière et Firminy.

Certains en profitent pour créer de petites entreprises et profiter de ces subventions bienvenues. Le principal problème demeure la main d’œuvre : la majorité des ouvriers est mobilisée sur le front.

L’État met en place le statut de « requis » : certains soldats sont retirés du front pour venir travailler au fond. Cela ne suffit pas. Car, devant la pénurie, certains travailleurs optent pour les usines métallurgiques et laissent les mines dépourvues. Aussi certaines houillères comme Montrambert et la Béraudière construisent des cités ouvrières pour fixer cette main d’œuvre si précieuse.

La modernisation est stoppée par la Seconde Guerre mondiale. La nationalisation de 1946 permet de se remettre à jour. C’est la bataille du charbon, primordiale pour l’indépendance énergétique du pays. Les cinq compagnies minières sont nationalisées et rassemblées dans une division des Charbonnages de France : les Houillères du bassin de la Loire, les fameuses HBL. C’est désormais l’État qui finance les investissements et l’exploitation se concentre désormais autour des grands puits : Couriot à Saint-Étienne, Pigeot à la Ricamarie, Charles à Roche-la-Molière. L’exploitation dans la vallée du Gier est désormais abandonnée.

La fin de l’aventure de la mine est annoncée en 1960. Le plan Jeanneney prévoit la fin pour 1970. Heureusement, l’importance sociale du secteur retardera l’échéance. Couriot ferme en 1973, le puits Pigeot dix ans plus tard. Plusieurs siècles d’exploitation du charbon de terre, depuis le Moyen-Age, prend fin. Le bout d’une aventure identitaire pour la région.

Le quartier de Montrambert.

Le quartier de Montrambert.

Le puits Saint-Dominique qui s'élevait autrefois sur la colline de la Béraudière.

Le puits Saint-Dominique qui s'élevait autrefois sur la colline de la Béraudière.